Quoi de neuf côté innovation éducative ? Retour sur la journée du 14 novembre à Educatech

Luis Quintero, Libre de droits, via Pexels

Le jeudi 14 novembre 2024, nous étions présent·es au salon EDUCATECH, dédié à l’innovation éducative, qui se déroule chaque année à Paris. En effet, il s’agit d’un évènement réunissant des acteurs du numérique éducatif de l’école primaire à l’enseignement supérieur.

Retour sur les temps forts de cette journée :

– “Reconnectons-nous avec les communs numériques !”

par Alexis KAUFFMANN (chef de projet logiciels et REL à la DNE – Ministère de l’Éducation Nationale) et Emma GHARIANI (cheffe du pôle Open Source et communs numériques à la Direction Interministérielle du Numérique)

À l’heure où les communs numériques sont l’une des priorités de la stratégie du numérique pour l’Éducation en France, le débat débute autour des éléments clés qui définissent les communs : les ressources, la communauté et la gouvernance. Ressources créées, réutilisables, sur lesquelles on peut s’appuyer. La communauté qui est indispensable pour partager, alimenter, discuter. Enfin, la gouvernance qui vient pérenniser et consolider une organisation, indispensable au bon fonctionnement des communs.

Notons qu’un des arguments clés des communs est que le système éducatif est financé par des fonds publics. Dès lors, la production qui émane des personnes enseignantes devrait être rendue publique et ouverte.

La notion de souveraineté est également évoquée. En effet, il s’agit là d’assurer la pérennité des ressources et la continuité du service public. Dépendre des entreprises privées, c’est prendre un risque pour le futur. Qu’adviendrait-il du business de certain·es commerçant·es si demain Google Maps devenait payant ? Le référencement via cette plateforme génère un business non négligeable. Ceci est un exemple mais nous pouvons en trouver tant d’autres. Les communs numériques sont là pour nous permettre ce pas de côté et ce chemin B, plus pérenne.

L’inclusion arrive aussi dans le débat et celle-ci opère via l’apposition de licence sur ces ressources. Les licences confèrent ainsi un droit de réutilisation, de traduction et de partage sans fin.

– “Enseigner au temps des IA : opportunités et défis ”

par Elodie THEDENAT, professeure d’Histoire-Géographie à l’Éducation Nationale

Elodie THEDENAT nous a partagé son témoignage et ses expériences, à la fois en tant qu’enseignante, mais aussi en tant que training leader chez C&C Apple et référente numérique au sein de son lycée.

Elle a exposé les arguments négatifs généralement mis en avant par les personnes enseignantes :

  1. Le plagiat et un mauvais usage des élèves
  2. L’influence négative sur les apprentissages, ainsi que les mauvaises sources
  3. Question du statut des sources : opacité des ressources utilisées
  4. Les questions liées à l’éthique et à la diversité culturelle

En effet, les biais discriminatoires mais aussi les deepfake et donc la manipulation de l’information sont autant d’arguments, entendables, qui reviennent lorsque nous discutons avec le personnel éducatif.

Un point intéressant a été la mise en exergue de la confusion entre les résultats générés par un moteur de recherche et ceux générés par une IA générative, par les élèves. Ces derniers ignorent sans doute la différence entre l’utilisation d’un moteur de recherche, qui vise à trouver des ressources existantes pertinentes, en réponse à une requête, et une IA générative qui peut créer des contenus nouveaux basés sur des probabilités, en réponse à une instruction.

Malgré ces craintes, les élèves, qu’on le veuille ou non, utilisent l’IA au quotidien, et même pour les aider à réaliser leurs devoirs. Quelles sont les approches abordées afin de faire de ce défi une opportunité ?

  1. Une charte au sein de l’établissement, et si c’est trop long ou trop compliqué, alors au niveau de sa propre classe. Dans un premier temps, cela permet surtout d’ouvrir le débat avec les élèves. De voir ensemble (enseignant·es et élèves) comment dépasser l’idée de paresse intellectuelle.
  2. Former les jeunes : ce qu’ils/elles peuvent faire, ou non, avec les IA.
  3. Comprendre les IA : les démystifier et développer un esprit critique.
  4. Évaluer différemment.

Elodie THEDENAT affirme que les enseignant·es ont un rôle à jouer dans les concepts de l’IA, d’aider les élèves à comprendre. Mais comment faire concrètement ?

Plusieurs exemples ont retenu notre attention :

  • Un quiz destiné aux élèves sur le recours ou non à l’IA selon le type de recherches/devoirs. Cela pour les amener notamment à la question de la transparence. On y trouve une question type “Penseriez-vous à déclarer à votre professeur que vous avez eu recours à l’IA ?”. Selon la réponse de l’élève (oui/non), on sensibilise alors au fait de déclarer l’utilisation d’un outil.
  • Aide pour les supports pédagogiques. Elodie THEDENAT nous montre qu’elle se sert de l’IA générative en proposant une vidéo à une IA qui lui suggère une série de questions vrai/faux. Elodie THEDENAT vient ensuite sélectionner les questions selon ses besoins.
  • Repenser l’évaluation, c’est passer par davantage de travaux en groupe et de restitution en classe. Un exemple pertinent était celui de partir d’un texte de ChatGPT et de le soumettre en groupes de travail. La consigne ? Analyser ce texte et venir vérifier les sources et y ajouter des exemples qui collent au contexte régional (ex. : en France ou en Europe). Cela représente plusieurs heures de travail que de réaliser cet exercice… en conclusion, les élèves déclarent qu’ils/elles auraient préféré rédiger eux/elles-mêmes le texte plutôt que de devoir revérifier. Le bonus ? Certains élèves ont même décelé des biais de genre dans le texte… Une idée qui permet donc de développer un esprit critique vis-à-vis de ces “outils magiques” en apparence.

En résumé, il s’agit de faire de l’IA un accompagnant, qu’on vient activer, ou non, selon les situations. Ça paraît facile, dit comme cela, et les exemples ci-dessus nous permettent d’imaginer ce que pourraient représenter les pratiques pédagogiques de demain. Mais dans les faits, ce n’est pas aussi simple… Elodie THEDENAT est un bel exemple d’une professeure passionnée et engagée, qui a investi son temps et son énergie pour intégrer de nouvelles pratiques qui, maintenant, lui permettent de gagner du temps (ex. : la génération de questions vrai/faux, etc.). Mais cela implique une formation, avec un grand F, pour l’ensemble des personnes enseignantes (ce qu’est l’IA, ce qu’est un biais, ce que sont les deepfake, etc.) et ce, pour l’ensemble des matières enseignées dans les collèges et lycées !

– Table ronde : “Apprendre et enseigner avec le numérique – Émergence de l’IA dans l’éducation”

par Thomas COUSTENOBLE (Directeur Éducation & Recherche – Microsoft), Clémentine BIDART (Directrice Éducation – Econocom), Béatrice MATLEGA (Directrice des partenariats et programmes pédagogiques – Microsoft France), David LATOUCHE (Adjoint au délégué régional académique au numérique éducatif – Académie de Versailles) et Chloé VIGNEAU (Docteur en informatique, co-responsable du GTnum et DG de Copotato)

Cette table ronde a été l’occasion de présenter diverses initiatives entre les partenaires nommé·es ci-dessus.

L’une d’entre elles fut le partenariat avec Microsoft et des écoles de l’Académie de Versailles (Issy-Les-Moulineaux). Les élèves sont équipé·es de tablettes et testent différents outils développés par Microsoft. Cette initiative est présentée comme un moyen d’initier les élèves et de répondre à leurs besoins individuels, tels que s’entraîner à parler anglais. Certes, mais en prenant du recul et en adoptant une vision grande échelle, on peut aussi se poser la question de l’inclusion ? Sera-t-il possible de doter tous les élèves de tablettes ? de leur présenter ces outils ? Ces outils sont-ils tous en conformité avec le RGPD ? Rappelons également que Microsoft est une entreprise privée et commercialise ses outils. Nous sommes loin des logiciels libres et des valeurs autour de l’ouverture de la connaissance pour toutes et tous.

Un élément intéressant a été la réalisation d’un kit “La Cybersécurité, mon futur métier”, le fruit d’une collaboration entre l’Académie de Versailles et Microsoft, disponible sous licence CC BY, le tout en français et anglais. Un bel exemple d’initiative destinée à la sensibilisation des 15-21 ans aux métiers autour de la cybersécurité et les enjeux associés pour toutes et tous.

Un point marquant, ce sont des chiffres-clés autour des compétences liées à l’IA de demain… d’après une étude réalisée par LinkedIn et Microsoft (“Work Trend Index 2024”) :

  • 77% des dirigeants affirmeraient que les talents en début de carrière auraient plus de responsabilités grâce à l’IA ;
  • 71% des dirigeants seraient plus susceptibles d’embaucher un candidat moins expérimenté avec des compétences en IA qu’un candidat plus expérimenté sans elles ;
  • 66% des dirigeants n’embaucheraient pas quelqu’un sans compétences en IA.

Ces chiffres, à prendre avec du recul et au conditionnel car nous ignorons la méthodologie utilisée pour cette étude, mettent en exergue un postulat qu’ici, à la Chaire, nous connaissons bien : il n’est plus question de “Doit-on former à l’IA les citoyen·nes de demain ?” mais de “Comment les former et que leur apprendre sur l’IA ?”.

Liberté d’expression, indépendance

Les approches et opinions exprimées sur ce site n’engagent que la Chaire RELIA et ne reflètent pas nécessairement celles de Nantes Université et de l’UNESCO.

Licence
Licence Creative Commons

Sauf indication contraire, l’ensemble des contenus de ce site https://chaireunescorelia.univ-nantes.fr/ est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


*