Obtenir une éducation durable

 

Quand le concept de durabilité s’invite en éducation

 

Auteure

Marianne Dubé est conseillère pédagogique à l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada). Dans le cadre de ses fonctions, elle a coordonné la fabriqueREL (Québec) de 2019 à 2023. C’est grâce à la fabriqueREL qu’elle s’est découvert une passion pour l’éducation ouverte et pour les REL : de réels moyens d’incarner la connaissance comme un bien commun.

 
Remerciements

Ce texte, dans l’état actuel, est le fruit de discussions, d’intégration de commentaires et de rétroactions de la part de collègues, qui, sans leur œil critique et leur posture collaborative, n’aurait pas été présentable.  

  • Jean-François Comeau (Université de Sherbrooke) : réflexions entourant la conceptualisation des quatre piliers de l’éducation durable.
  • Claude Potvin (Université Laval), Maryse Beaulieu, Constance Denis et Jean-Sébastien Dubé (Université de Sherbrooke) : relectures (très) commentées.
  • Nadia Villeneuve (Université Laval) : recension des écrits.

 

Différents acteurs et actrices de l’éducation ouverte (ÉO) de partout autour du globe ont accepté l’invitation de Colin de la Higuera de rédiger une série de billets sur l’ÉO. Ce texte s’inscrit dans cette initiative. Il est le fruit de réflexions et de questionnements sur le sujet proposé : Obtenir une éducation durable. D’entrée de jeu, quelques questions me taraudent : Le modèle de la durabilité a-t-il quelque chose à apporter à l’écosystème de l’ÉO ? En quoi l’ÉO aurait-elle besoin d’intégrer un modèle de durabilité ? L’éducation n’est-elle pas déjà durable ? Qu’entend-on par éducation durable ?

Bien que ce sujet semble devoir être traité de manière systémique et multidisciplinaire, incluant nécessairement des spécialistes en fondements de l’éducation, c’est avec ma simple lunette de praticienne que je partage mes réflexions en souhaitant ouvrir la discussion plus largement. 

Après une recension rapide et contextualisée (littérature grise comprise), je comprends d’emblée que : 

  1. Le concept d’éducation durable est peu, voire pas, défini dans la littérature consultée touchant le domaine de l’éducation ; 
  2. Les sources consultées traitent plutôt de l’éducation au développement durable ou de la gestion durable d’un établissement d’enseignement ou de l’intégration du développement durable dans la formation.

Des concepts à discuter

Il me paraît nécessaire de contextualiser certains concepts sur lesquels j’appuie mes réflexions : 

Le développement durable (DD) dans sa définition la plus populaire est « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » (Brundtland et CMED, 1987). Les trois piliers fondamentaux du développement durable sont : environnement, économie et social. Le qualificatif durable (Dictionnaire Usito) est généralement utilisé en écho au DD et à ses trois piliers, empreint d’une conscience écologique, soucieuse d’une économie mondiale plus équitable. Il a aussi une notion temporelle qui sous-entend une durée dans le temps, impliquant un accès temporel limité ou non.

L’éducation ouverte, pour sa part, renvoie à « une approche en éducation visant l’élimination des barrières à l’apprentissage par la mise en place de pratiques éducatives ouvertes dans les cours et par la création et l’utilisation de ressources éducatives libres (REL) » (ABRC, 2020). Ici, le concept d’accessibilité fait partie intégrante de l’éducation ouverte, notamment sur les plans du contenu (accès universel), de l’économie (gratuité) et du temps (accès pérenne).

Quant à l’éducation de qualité (ODD 4 du même libellé), elle s’exprime notamment par l’accès gratuit aux cycles primaires et secondaires pour les filles et les garçons, mais ne caractérise ni la qualité de l’éducation ni la réussite éducative. Le ministère de l’Enseignement supérieur au Québec définit cette dernière ainsi : 

« [l’] acquisition et l’intégration par l’étudiant ou l’étudiante de connaissances et de compétences en lien avec une formation de haut niveau s’inscrivant dans son projet personnel et contribuant tout à la fois à son développement sur les plans professionnel, artistique, scientifique, culturel, civique et personnel » (MES, 2021, p. 12).

Dans cet exercice de contextualisation, force est d’admettre qu’entre ces définitions, certains points convergent, soit l’accessibilité et l’équité dans une vision à long terme. 

(Re)définir l’angle de réflexion

Le concept d’éducation durable, bien que peu présent, semble être abordé en déclinant des composantes différentes selon les personnes qui rédigent les textes. De la Higuera (2024) soulève un paradoxe concernant la disponibilité limitée dans le temps des ressources éducatives : une fois le cours terminé, il n’est pas rare que l’accès au site de cours et par le fait même aux ressources devienne caduc. Dans ce contexte, comment favoriser la durabilité ? Cela met en lumière la nécessité d’un changement de paradigme, passant d’une conception de l’apprentissage centré sur le contenu et sur la personne enseignante à une conception axée sur la personne apprenante et sa réussite.

Avec une de mes collègues (Dubé et Soukpa (2023)), nous avions détaillé la contribution des REL à l’atteinte des ODD et décliné le tout en contributions majeures (ODD 4, 10, 12 et 9) et contributions mineures (neuf autres ODD). Cependant, la réflexion sur l’éducation durable doit aller au-delà de la contribution des REL aux ODD.

Pour former des personnes professionnelles aptes à contribuer au développement durable, l’UNESCO (2017) identifie une liste de huit compétences essentielles. À partir de ces dernières, Beaulieu et Soukpa (2024) en ont ciblé six qu’elles ont contextualisées au milieu de l’enseignement supérieur. Elles mentionnent leur présence fréquente dans les profils de sortie des programmes universitaires. Il semble incontournable d’intégrer le développement des savoir-être et des compétences transversales dans un concept d’éducation durable.

Le concept d’éducation (durable) fluctue au gré des lectures. De manière éparse, des idées relatives au développement de compétences transversales, à la pédagogie, à l’accessibilité et à la pérennité des ressources éducatives, sans oublier la contribution aux ODD, s’y retrouvent. Une approche intégrée de ces idées permettrait de réfléchir au concept d’éducation durable de manière globale. 

Les quatre piliers d’une… éducation durable (!)

Schéma qui présente les quatre piliers de l'éducation durable. Il s'agit d'un diagramme de venne à 4 cercles (les 4 piliers). Les interconnexions de ces cercles présentent 4 qualificatifs. Au centre, se trouve le concept d'éducation durable.

Inspirée par le concept des piliers fondamentaux du DD (environnemental, social, économique), je me suis amusée à réfléchir à ce que seraient les « piliers de l’éducation durable » en incluant les différentes caractéristiques recensées lors de mes lectures :

  1. accès à des savoirs de qualité : il s’agit du terme générique Savoirs comme étant inclusif des savoirs conceptuels vulgarisés dans la langue d’enseignement et qui ont des assises scientifiques crédibles, des savoir-faire expérientiels, des savoir-être et des compétences ;
  2. utilisation et partage de ressources éducatives libres (REL) : il s’agit de contenus pérennes exploitables avec une visée pédagogique, incluant les productions étudiantes ;
  3. approche centrée sur les personnes apprenantes : il s’agit de placer ces personnes au cœur de leur projet d’apprentissage (approche pédagogique active et expérientielle) et qui vise autant le développement des compétences disciplinaires que les compétences transversales ;
  4. une approche de co-construction des savoirs et des compétences : il faut inclure aussi les savoirs expérientiels développés tant avec la communauté de l’établissement d’enseignement qu’avec des partenaires externes.

De ces quatre piliers interconnectés émergent les qualificatifs d’une éducation durable : 

  • efficiente de par l’objet central qu’est l’éducation de qualité possible grâce à des savoirs de qualité vulgarisés et diffusés via des REL ; 
  • accessible de par les qualités inhérentes aux REL (disponibles de façon pérenne, immédiate et gratuite, et ce, dès le début d’un cours). Les REL sont modifiables tant sur le plan de l’accessibilité que sur le plan pédagogique et permettent de s’ajuster aux besoins et à la posture des personnes apprenantes et enseignantes ; 
  • inclusive de par l’apport actif de personnes collaboratrices à la conception de REL de granularité variable (du grain pédagogique au programme d’étude) et des personnes apprenantes dans les activités pédagogiques qui les placent au centre de processus d’apprentissage ; 
  • contextualisée de par la conjonction des savoirs des différentes parties prenantes pour améliorer ces savoirs ou en élaborer de nouveaux.

Ainsi, considérant ces piliers et les adjectifs qui émergent des interconnexions, le concept d’éducation durable semble offrir une certaine matière exploitable. Derrière cette proposition se trouve une posture réflexive qui comporte un désir d’explorer davantage le potentiel de cette idée d’éducation durable, de modifier l’angle de réflexion et d’enrichir les idées précédemment avancées. Cet exercice de rédaction, bien que très succinct, s’est avéré passionnant et m’aura permis de clarifier un peu le concept de l’éducation durable. Il va sans dire que le sujet mérite d’être approfondi dans de futures contributions.

 

Références 

  • Brundtland, G. H et Commission mondiale sur l’environnement et le développement. (1987). Notre avenir à tous. Éditions Lambda.
  • Soukpa, M.-S., Beaulieu, M., & Cabana, M. (2025, février 14). Comment la pédagogie peut-elle sauver le monde !? . Université de Sherbrooke, Service de soutien à la formation. https://doi.org/10.5281/zenodo.14871825

 

Licence
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Cet article de Marianne Dubé est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 4.0 International.

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