L’ouverture se décline de nombreuses façons, mais l’idée générale est de faire tomber des barrières. Dans le cas de l’éducation, les barrières pour empêcher d’apprendre et d’enseigner sont nombreuses. Les coûts et les difficultés d’accès à des ressources de qualité en particulier. Mais la langue en est également une. Dans certaines langues, il est bien plus facile d’accéder à la connaissance. Et si nous ne faisons pas attention, la situation peut s’aggraver : quelqu’un qui veut partager aura nécessairement envie de partager là où le partage est le plus simple. Et donc assez logiquement dans la langue dominante, même quand ce n’est pas la sienne. Et dans les conférences qui parlent d’éducation, la situation est similaire : il est souvent bien plus facile de rester entre gens qui se parlent naturellement.
Nous pouvons penser que la solution est de défendre une langue contre une autre. Et développer alors une activité parallèle : les mêmes sujets sont abordés séparément. Et c’est aussi une bonne chose, car les différences culturelles permettent aux débats d’être, sur des questions similaires, en réalité assez différents.
Mais une alternative existe peut-être. Pouvons-nous ne pas choisir parmi plusieurs monolinguismes ?
Certains pays pratiquent déjà le bilinguisme et encouragent à l’utilisation de deux langues (ou plus).
À Open Education Global Conference 2021, nous avons choisi également de nous poser cette question : pouvons-nous parler d’éducation ouverte en plusieurs langues. En même temps ? Dans un même endroit ?
Le défi était gigantesque. Nous l’avons en partie relevé dès l’édition 2021 avec des webinaires en 5 langues (le chinois était également de la partie). L’enthousiasme a été fort et nous avons compris que nous avions raison.
Pour Open Education Global 2022, nous sommes allés plus loin : les 5 langues ont été retenues.
Les personnes souhaitant présenter leurs travaux et idées à la conférence avaient le choix de présenter leur contribution (par écrit, lors de la phase de « soumission ») en arabe, chinois, espagnol, français ou anglais. Le Covid a malheureusement freiné les possibilités de voyager de la part des pays asiatiques, mais nous avons reçu des propositions dans 4 langues.
Ces contributions ont été relues et évaluées dans ces mêmes langues et le programme a été élaboré autour de 90 contributions venant non seulement du monde entier, mais également d’univers linguistiques très différents.
Jusque-là, tout va bien. Mais maintenant, comment permettre aux gens de s’exprimer et se comprendre, au moins en partie ?
Recruter des interprètes ? Hélas, nos moyens ne nous le permettaient pas. Mais nous sommes adossés à un laboratoire d’informatique (le LS2N), donc nous avons embauché nos étudiants et démarré une extraordinaire aventure. Objectif : livrer, en quelques semaines, une application permettant à tout le monde de suivre le fil des débats, même quand ceux-ci ont lieu dans une langue différente.
À première vue, l’idée consisterait « juste » à assurer une traduction automatique simultanée. Mais la technologie est justement encore un peu « juste » pour permettre cela et, de plus, l’expérience désirée n’est pas celle-là. Il ne s’agit pas d’isoler encore un peu plus chacun.e derrière un casque ! Non, le but doit être d’offrir un outil d’accompagnement. Pas nécessairement qui nous permette de comprendre mot à mot ce qui se dit, mais plutôt de savoir de quoi on parle.
Les fonctionnalités de notre application MultilingOEG sont alors les suivantes :
- permettre d’avoir accès, avec une latence très faible, à la transcription écrite de ce qui se dit ainsi que la traduction dans les 3 autres langues ;
- permettre d’émettre un avis sur ce qui se dit : pouvoir ainsi dégager les idées fortes d’un discours…qui pourront bien entendu ne pas être les mêmes en arabe et en anglais ;
- afficher un nuage de mots de la présentation en cours. Ou plutôt 4 nuages de mots, bien entendu.
Voici 3 courtes vidéos montrant le fonctionnement de l’application :
Et comme la conférence est diffusée en streaming, l’application sera accessible depuis la cité des congrès de Nantes, mais aussi depuis l’Afrique du Sud, le Pérou ou la Norvège, pour nommer quelques pays qui nous envoient des participant.es.
Oh. Il existe encore de nombreuses questions à résoudre et cette application n’est sans doute que la première pierre de la tour de Babel. Pourquoi seulement 4 langues ? Si justement, il s’agit de donner accès à toutes et tous, pourquoi ne commençons-nous pas par les langues les plus faciles ? Celles qui ont le plus de ressources ? Et pourquoi avoir choisi ces usages ? Les nuages de mots sont-ils le meilleur outil ?
Julien Aubert-Béduchaud, Mamadou Diallo, Maxime Touzé (nos étudiants, accompagnés de Victor Connes et Andréane Roques) ont déjà rempli leur mission. Celle de prouver que c’était faisable, de montrer que nous pouvons gérer les questions linguistiques aujourd’hui. Les usages de ces prochains jours nous donneront raison ou pas.
Mais nous pouvons d’ores et déjà penser que l’avenir de l’éducation sera multilingue.
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